Romain Biette est un tailleur Parisien, il est le fondateur d’Ardentes Clipei. Il aime le bon goût “à la Française” et veut perpétuer le savoir-faire de la haute mesure. Ce personnage Balzacien, aux allures de dandy, offre des costumes à la coupe irréprochable avec une sélection d’étoffes au tombé parfait. Le souci du détail est présent dans chacune de ses créations. Nous avons rencontré Romain dans son appartement Parisien. Il nous a transmis sa passion pour l’élégance.
Maison Sensey : Ça a débuté comment ?
Romain Biette : Avec l’amour du cinéma ! J’ai une fascination pour des acteurs comme Steeve McQueen ou Alain Delon. J’aime leur élégance. A 18 ans je voulais être ambassadeur, pour représenter la France à l’étranger. J’ai commencé mes études de droit sans savoir où j’irais après. Et au final j’ai pris un virage à 180°, j’ai fait une formation à l’AFT (Fédération Nationale des Maîtres Tailleurs de France) pendant 2 ans. Cette formation n’a fait que confirmer ce que je voulais faire.
J’ai monté mon entreprise en 2015 et Ardentes Clipei a vu le jour. Au début c’était compliqué, il fallait que je comprenne le marché. Les gens s’habillent en demi-mesure mais peu en sur-mesure. C’est un marché qui se développe énormément. La grande mesure c’est l’ultra luxe !
Que voulez-vous offrir à vos clients ?
Créer quelque chose de plus jeune, de plus accueillant. Les gens veulent une expérience, ils veulent une histoire. Ma différence est bien entendue ma personnalité et ce que je vais apporter comme signature dans mes créations. Concernant mon style maison, c’est un subtil mélange entre modernité et tradition : moderne car mes costumes sont ultra légers et souples, on ne les sent pratiquement pas, et traditionnels en même temps car ma coupe est harmonieuse dans ses proportions.
Comment fait-on pour garder la magie de la personnalisation ?
Le rapport humain, l’écoute, je suis très à l’écoute de mes clients. Il y a des créateurs qui imposent un point de vue. Moi je m’intéresse à mon client ; à sa vie, ses envies. J’essaie de le traduire à travers une coupe, un tissu. L’objectif est aussi de valoriser mon client donc je l’oriente sur des modèles précis en fonction de sa morphologie. Il faut oser sortir des standards et de sa zone de confort.
La majorité de mes clients sont français et j’ai aussi beaucoup de clients allemands. Je fais essentiellement des costumes de bureau et bien entendu pour des occasions spéciales comme les mariages. Les clients viennent chez moi car ailleurs ils ne trouvent plus. Et ce que je propose correspond au prix qu’ils veulent y mettre.
Chez les marques de luxe, nous sommes sur des standards, la qualité a considérablement baissé, les coupes sont slims, le service client n’est plus à la hauteur du prestige de leur renommée. Le client est simplement banalisé aujourd’hui. C’est pour cela qu’il me semble important d’apporter plus à mes clients qu’un costume, c’est une reconnaissance.
Quel est le prix d’un costume Ardentes Clipei ?
Mes prix débutent à 800€ avec un costume demi-mesure qui sera fabriqué en Europe, avec un tissu italien ou anglais. Il est réalisé aux mesures du client, et arrive fini à Paris. Il y a un essayage qui sera fait pour retoucher le costume si nécessaire et le finir. Les retouches et les finitions sont faites à la main dans mon atelier à Paris. Les finitions en question sont le bas de pantalon, le point bord de la veste, le point côté du pantalon, la boutonnière de revers et celles de bas de manche.
Il faut compter environ six semaines de délai pour le premier costume. Je propose également une grande mesure, que je façonne avec deux autres tailleurs en France. Son prix de départ sera de 3000€. Il faut compter trois mois de délai pour le premier costume, 60h de travail, 80% de travail à la main, et trois essayages!
Que pensez-vous de l’évolution de la mode masculine ?
Il y a là une vraie réflexion à avoir sur ce marché. Le monde évolue et ça va très vite ; ce n’est pas le monde qui va s’adapter à vos rêves… Ma génération a besoin d’un retour aux sources, à la qualité et au goût du bien faire. Les hommes n’ont pas forcement l’idée de s’habiller en costume. Il faut penser le costume comme un produit qui s’adapte à votre façon de vivre et offrir un esprit plus jeune dans la coupe. Aujourd’hui les matières sont plus confortables, plus souples. Mais il y a une uniformisation immédiate des styles, des looks. Quand un “truc” marche tout le monde le porte. Ce sont des courants de mode éphémères.
Et l’élégance comment se traduit-elle ?
C’est avant tout une mentalité. Vous ne pouvez pas être élégant en étant un “sale” type. L’élégance c’est au-delà du vêtement. Par exemple, Steeve McQueen était un mec super ! Il transmet l’empathie, la sympathie, il y a quelque chose qui inspire et qui est inspirant. L’élégance c’est aussi l’éducation du goût. On a perdu la démarche de s’habiller aussi pour les autres.
Quels sont les créateurs qui vous inspirent ?
Ralph Lauren bien entendu! Il m’a permis de grandir dans ce métier. Ses boutiques sont magnifiques, il y a un côté magique, la qualité existe chez Ralph Lauren. C’est l’image qu’il offre que j’aime. Brunello Cucinelli est également un créateur qui m’inspire. Il a dit “la beauté sauvera le monde“. Il a une démarche philosophique dans son travail. Il fait tout fabriquer dans le village natal de sa femme, il veut perpétuer la tradition.
Après dans le petit monde des tailleurs, je ne peux en nommer tellement il y en a qui m’ont inspirés et qui continuent de m’inspirer ! Un tailleur comme un créateur a besoin de garder l’œil ouvert et doit toujours rester humble face à ses pairs pour grandir et évoluer, sans cela il s’enfermera dans sa vision étriquée et disparaitra tôt ou tard. C’est ce que j’essaie également de faire, perpétuer un savoir-faire et le bon goût.
Interview réalisée par Barbara Sensey